— Armand Thoinet : Je m'appelle Armand Thoinet, j'ai 32 ans, je suis originaire de la région lyonnaise, et j'ai réussi à réaliser mon rêve de gosse : devenir aventurier. Le but, c'est de parler positivement de la différence en général. J'ai une sclérose en plaques, c'est une maladie neurologique super large qui peut impacter énormément de choses, chaque patient est différent. Dans mon cas, c'est des problèmes d'élocution, de vue, d'audition, d'équilibre, de coordination, de fatigue. Ça me touche aussi sur d'autres choses, mais moins grandement, on va dire.
Question : Quand est apparue ta maladie ?
Les premiers symptômes de ma maladie sont apparus à mes 14 ans. Je ne correspondais pas au patient type. Le patient type, il a 30 ans et c'est une femme. Ça a pris 5 ans avant d'être diagnostiqué. J'en étais arrivé à croire que le problème venait de moi, donc quand j'ai eu le diagnostic, c'était à la fois un soulagement, mais aussi une prise de conscience que ma vie n'allait pas être celle que j'avais imaginée.
Question : Comme Indiana Jones, tu es aventurier et conférencier... C'est un peu fou, non ?
Aujourd'hui, je dis que je suis aventurier et conférencier. Ça a pas tout le temps été le cas, il y a pas d'école d'aventurier. Il faut faire, se tromper, tomber, essayer de se relever, apprendre. C'est au bout de quelques années que j'ai réussi à dire que j'étais aventurier. Le but de ce que je fais aujourd'hui, c'est de faire des choses inédites pour transmettre des messages. Pendant des années, on m'a dit : "Tu pourras pas être comme tout le monde", et moi, finalement, j'ai pris ça au pied de la lettre en faisant des choses que tout le monde ne faisait pas.
Question : Peux-tu nous raconter quelques-uns de tes défis ?
J'ai fait un tour de Corse en pédalo pour parler des apparences et montrer que les apparences pouvaient être trompeuses. Je suis allé au 80e parallèle nord en kayak, c'est une aventure que très peu de monde a déjà faite. En 2024, pour les Jeux Olympiques, je suis parti de Londres à la fin des JO. Le but, c'était de rejoindre Paris pour le début des Jeux Paralympiques. J'y suis allé à pied en poussant un fauteuil roulant pour montrer que le handicap, c'est pas que le fauteuil roulant. Et quand on sait que moins de 5 % des personnes handicapées sont en fauteuil roulant, on se demande pourquoi le logo du handicap, c'est un fauteuil roulant.
Question : Outre le sport, quelle activité t'a permis de te sentir mieux ?
Aujourd'hui, c'est prouvé scientifiquement que l'activité physique a un rôle majeur à jouer dans le ralentissement de la maladie, donc du handicap. Je fais du sport, mais on peut trouver énormément de choses qui peuvent permettre de se dépasser. Quand je parlais plus il y a 9 ans, pour la première fois, je me suis mis au théâtre. Le théâtre m'a permis aussi de reprendre confiance en moi, de parler à des gens, de m'assumer. Et aujourd'hui, je sais que sans le théâtre, je ne serais pas arrivé à être conférencier.
Question : Tu fais ça aussi pour aider la recherche ?
À chaque aventure que je réalise, le but, c'est de financer la recherche. En 10 ans, j'ai reversé 85 000 euros à la recherche. Pour les chercheurs, c'est pas énorme, mais pour moi, ça l'est, parce que je suis redevenu acteur de ma vie, de ma santé, et je m'engage pour que ça évolue.
Question : Que veux-tu prouver en te lançant dans ces aventures ?
J'ai rien à démontrer via ces aventures, ces défis, j'ai aucune revanche à prendre. J'ai aucune colère en moi. C'est vraiment un chemin de vie qui m'a permis de réaliser mon rêve. Le seul objectif de tout ce que je fais, c'est être heureux. Tant qu'une aventure me rend heureux, tant que j'arrive à transmettre des messages, ça me permet de m'épanouir. C'est vraiment mon leitmotiv.
Question : Est-ce qu'on doit se battre contre son handicap ou en faire une force ?
Aujourd'hui, je prône pour qu'on dise aux gens : Oui, la maladie, ça va être dur, mais il y a un chemin qui existe pour vous. Ça va être à vous de le chercher, de vous tromper, mais si vous avez pas envie d'aller mieux, ça va pas marcher. Finalement, se battre contre sa maladie ou son handicap, c'est se battre contre une partie de soi-même. C'est voué à l'échec. Moi, je veux vraiment avancer avec elle, et ma maladie est devenue mon meilleur ami. Oui, des fois, elle me freine, mais elle me permet d'avoir une vie incroyable. Je sais que la vie que j'ai aujourd'hui, jamais je l'aurai eue sans la maladie. Arrêtons de voir ce qu'on peut plus faire, regardons l'avenir et ce qu'on peut faire avec sa différence.