« Handi Flash. »
-Bonjour à toutes et à tous, dans le podcast qui s'intéresse aux journées dédiées au handicap. Je sais que vous étiez habitués à la voix de Marie-Cécile et à son célèbre : « Saviez-vous que le 14 février n'est pas seulement la fête des amoureux ? », mais aujourd'hui, c'est moi qui suis aux commandes d’Handi Flash.
Nous sommes le 14 octobre et c'est la journée nationale des dys, c'est-à-dire la journée de la dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, dysphasie… des dys, quoi.
En préparant cette émission, je me suis rappelé qu'en mai 2015, je faisais mon premier direct à la radio et, un peu stressé, j'ai pas mal buggé sur les mots. À la fin du journal, le président m'avait fait venir dans son bureau pour me dire : « T'es dys ou quoi ? »
Une phrase qui m'avait à l'époque blessé comme si c'était une critique, une critique négative, voire une insulte.
Je tiens donc à dire ici qu'être dys, faire des confusions, inverser des sons, des chiffres ou des lettres, c'est tout sauf une insulte.
6 à 8 %, c'est le nombre de Français ayant un ou plusieurs troubles dys selon la Fédération Française des DYS. On peut même dire que 4 à 5 % des élèves d'une classe d'âge sont dyslexiques, 3 % sont dyspraxiques et 2 % sont dysphasiques. La FFDys tient néanmoins à préciser qu'aucune étude fiable n'a été faite concernant les troubles dys en France.
« Handi Flash. »
Pour vous mettre dans le mood de cette journée, je suis allé à votre rencontre pour recueillir votre point de vue sur les dys, et j'ai croisé Ryan, la vingtaine passée. Il s'est tatoué au-dessus du genou le mot « dyslexique » avec la typo de Disneyland. Je lui ai donc demandé : « Mais pourquoi t’as fait ça ? »
-Parce que quand j'étais petit, au collège, en fait, ils voulaient me mettre en SEGPA. Puis quelques années plus tard, on m'a diagnostiqué dyslexique et du coup ça a un peu gâché ma scolarité. Mais j'ai toujours utilisé ça comme une force que plutôt un défaut et je le voulais sur la peau. Je pense que le tatouage, c'est avant tout s'identifier, se créer une image, se créer une identité. Et je pense que ça a quand même fait partie de moi, notamment dans mon enfance et mon adolescence, et du coup je trouve ça important de le retranscrire sur moi et ça fait partie de la démarche artistique. Pour moi, c'est se marquer et poser, en fait, les événements du passé sur sa peau dans le présent, et ça permet de t'identifier et de te construire dans le futur.
-J'ai ensuite croisé Emeline, la trentaine, souriante, qui avait envie de me dire…
-Mon papa est dyslexique, écoutez, je pense qu'il vit très très bien avec ça. Mon cousin aussi, mon petit cousin, il est dyslexique, il fait un petit peu d'orthophoniste, mais du coup depuis qu'il fait de l'orthophoniste, il suit les cours normalement et je pense pas qu'il le vive comme une différence.
-Et un peu plus loin, et là.
-Je trouve pas que ce soit un problème en soi, mais je pense qu'on pointe trop du doigt les gens qui sont… qui écrivent mal, qui orthographient mal. Et du coup, je pense que pour eux, c'est un vrai complexe. Alors qu'en vrai, s’ils se... Si on savait directement qu’ils étaient dyslexiques, on aurait moins de problèmes avec eux, tu vois.
-Merci à Ela, Emeline et Ryan d'avoir répondu aux questions d’Handi Flash.
« Handi Flash. »
Pour aller plus loin, j'ai le plaisir de vous amener maintenant à la rencontre de Kérya Gaillan Sun, psychomotricienne. Bonjour, Kérya.
-Bonjour.
-Quand on parle des troubles dys, on parle de quoi exactement ?
-Quand on parle des troubles dys, c'est ce qu'on emploie dans le langage commun pour parler des TND, donc des troubles neuro-développementaux. On peut penser à la dyslexie, la dysphasie, la dyscalculie, la dysorthographie, la dyspraxie. Mais en réalité, ce nom est issu d'une erreur nosologique, donc une erreur de classification qui venait de, par exemple, il y avait la praxie et la lexie et donc, du coup, ces noms-là ont été créés. Mais pourquoi c'est une erreur ? Parce que c'est un trouble du développement des compétences. Comme « dys », ça veut dire « mauvais » en grec, c'est pas tout à fait adapté de s'appeler comme ça. C'est pour ça que c'est un terme qu'on garde dans le langage commun, mais entre professionnels, on parle de TND maintenant. C'est pas en lien avec l'intelligence, c'est vraiment en lien avec la façon de développer les compétences et la façon qu'a le cerveau de procéder. Donc ça a des répercussions dans la vie quotidienne et scolaire puisque ça va englober, par exemple, les troubles spécifiques du langage et des apprentissages auxquels appartiennent, par exemple, la dyslexie et la dysphasie.
-Est-ce que tu peux m'expliquer ton métier, le rôle d'une psychomotricienne dans la prise en charge des dys ? Comment ça se passe ?
-Le psychomotricien, c'est un professionnel de santé qui est auxiliaire de la médecine, qui est spécialisé dans l'évaluation, le diagnostic et l'accompagnement des troubles moteurs. Donc, troubles moteurs, par exemple, les troubles de l'acquisition du graphisme, les troubles des apprentissages moteurs, les troubles des apprentissages scolaires aussi. On va les différencier. Mais aussi dans les troubles sensoriels, comme les troubles de l'intégration sensorielle qu'on retrouve chez les TSA. Donc, les personnes qui sont porteurs de TSA, TSA, ça veut dire Trouble du Spectre de l'Autisme. On retrouve aussi des troubles de l'intégration sensorielle chez les personnes dites TDAH, qui ont des troubles déficitaires de l'attention avec ou sans hyperactivité. Mais aussi chez d'autres personnes, c'est pas que dans ces troubles-là. Et aussi, on va s'occuper des personnes qui ont des troubles émotionnels ou psychoaffectifs. Notre patientèle, c'est tout âge, ça peut aller de la naissance même jusque dans les soins palliatifs. Il y a des personnes, il y a des psychomotriciens dans les EHPAD, c'est vraiment varié puisqu'on retrouve ce que j'ai dit chez tout le monde. On peut retrouver ça chez tout le monde. On travaille sur prescription médicale uniquement et en collaboration avec des professionnels de santé paramédicale, donc des orthophonistes, des ergothérapeutes, des kinésithérapeutes, des médecins, pédiatres, pédopsychiatres, neuropédiatres, neurologues, bref, des psychologues, des neuropsychologues, et avec le corps enseignant. Et aussi avec les éducateurs spécialisés, il faut pas les oublier. Et on intervient donc dans le diagnostic, mais aussi dans le suivi des patients.
-Toi, t’interviens, tu utilises quoi comme technique psychomotrice ? Tu rentres à quel moment dans cette prise en charge ?
-On n'a pas de technique spécifiquement psychomotrice, on passe par des expériences motrices et des expériences sensorielles. Mais aussi par de la relaxation, des activités expressives et aussi des techniques qui font partie des RBPP. C'est les Recommandations des Bonnes Pratiques Professionnelles et dont l'efficacité a été prouvée scientifiquement. Mais c'est toujours avec un aspect ludique et en rendant le patient acteur. Ça fait vraiment partie de nos prérequis de soins. En fonction du profil de chaque personne, on va croiser les approches dites « bottom-up », ascendantes, et « top down », descendantes. Donc j'explique vite fait, les méthodes « bottom-up », ça se concentre sur le développement progressif des compétences de base. Donc, par exemple, c'est comme construire une tour, tu vas vraiment construire les bases solides et tu renforceras après les compétences. Par contre, les méthodes « top down », donc descendantes, comme on l'entend, c'est pas des méthodes qui nous viennent de France. C'est assez récent mais on essaye de les intégrer. Donc là, ça va plutôt se concentrer sur la tâche et travailler un peu dans l'autre sens, c'est-à-dire qu’on va mettre l'accent sur l'application des compétences directement.
-Est-ce que ces troubles, ils peuvent amener du stress ou de l'anxiété chez la personne atteinte de dys ?
-Oui, tout à fait.
-Et du coup, comment tu aides ces personnes à passer un peu au-delà du stress, de l'anxiété ?
-On va essayer de développer l'estime de soi de façon directe et indirecte. De façon indirecte, en améliorant les compétences avec une meilleure compréhension du trouble pour comprendre ce qui se passe. Pourquoi j'arrive pas à faire un truc ? Ça fait partie de l'éducation thérapeutique justement, c'est de comprendre son trouble. Et de façon directe, par des méthodes de relaxation, qu'elles soient dynamiques ou passives, on a tout un tas de méthodes qu’on nous a enseignées durant nos études, ce qui nous permet après de proposer aux patients un panel large et de co-construire vraiment le soin. Et aussi en développant les compétences sociales, ce qui permet de mieux expliquer son trouble aux autres, mais aussi de se faire des amis, ce qui participe au bien-être.
-Si tu avais un conseil à donner aux parents et aux professionnels de l'éducation qui accompagnent des personnes dys, ce serait lequel ?
-Formez-vous, demandez des sensibilisations dans les écoles où vous allez, ou dans l'école de vos enfants. Développez le travail interdisciplinaire pour assurer un accompagnement global, essayez d'obtenir un enseignement individualisé, si c'est possible, avec les aménagements de temps et de matériel adaptés à votre enfant. Valorisez les enfants sur leurs compétences et ne vous concentrez pas que sur les points de fragilité. Développez votre réseau, à travers des cafés parents, des groupes de parole, parce que quand on se sent moins seul avec un réseau de solidarité, on y arrive mieux. Et finalement, restez avant tout des parents, parce que de toute façon, personne n'est parfait, on fait de notre mieux et votre enfant a, avant tout, besoin de son parent. Et pour le corps enseignant, continuez à demander des formations et nous, on essaye de faire remonter que vous avez besoin de formation et de plus d’AESH.
-Donc, vous l'avez compris, continuez à demander des formations. Merci beaucoup, Kérya Gaillan Sun, je rappelle que vous êtes psychomotricienne.
« Handi Flash. »
Si nous devions résumer l'actualité de cette journée nationale des dys, nous pourrions dire que du côté de Rennes, le studio d'édition Friday Afternoon est en train de développer un jeu vidéo totalement adapté pour les dys. Baptisé « Dys », les dialogues sont remplacés par des animations et les personnages sont suffisamment expressifs pour ne pas avoir besoin de parler avec eux. Si vous aimez la BD, je vous conseille d'aller jeter un œil du côté de JS Editions, où l'autrice Étoile Polaire et l'illustratrice Avela Pia sont en train de créer une bande dessinée, « Le peuple Dys », réalisée par et pour les dys. On y retrouve quatre enfants : Lilou, la dyslexique, Kylie, la dysphasique, Nino, le dyspraxique et Apulco, le dyscalculique. Ils habitent sur la planète Dyslexia dans laquelle tout le monde s'entraide. La BD sortira le 7 février 2024, mais vous pouvez d'ores et déjà la précommander sur le site de jseditions.fr. Du côté des Yvelines, Diana Champion a créé une box d'activités pour les enfants dys et TDAH âgés de 3 à 12 ans. Cette box conçue par une équipe pluridisciplinaire est personnalisable en fonction de la situation de l'enfant. Elle propose trois cycles d'apprentissage pour développer, aider à progresser et gagner en autonomie. L'abonnement s'élève à 29 € par mois et est résiliable à tout moment.
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On arrive bientôt à la fin de cette émission, mais juste avant de vous laisser, j'avais envie de vous amener à la rencontre d’Orient Robin, le directeur technique de « Bonjour/Bonsoir ». D'ailleurs, c'est quoi « Bonjour/Bonsoir » ?
-« Bonjour/Bonsoir », c'est une boîte qui gère plusieurs boîtes de nuit à Paris, un groupe qui a le Badaboum notamment, Virage, etc.
-Et donc, tu es aussi musicien ?
-Également, oui, musicien depuis un petit peu toujours, finalement.
-Très bien. Mais aujourd'hui, on est là pour parler de la journée nationale des dys. Pour toi, ça évoque quoi la journée nationale des dys ?
-Écoute, ça me ramène un petit peu en enfance, avec les petits problèmes que j'ai pu avoir quand j'étais plus jeune, et ma dysorthographie qui a pu être un petit handicap pendant mes études.
-Ça se caractérise comment pour toi, la dysorthographie ?
-Pour moi, comment ça se caractérise ? Ça a simplement été quelque chose qu'en fait… Enfin, aujourd'hui, je le vois comme ça, c'est que j'avais l'impression de ne pas comprendre les règles qu'on m'imposait en termes d'orthographe, etc. Alors que pour moi, par exemple, les mathématiques, etc. c'était hyper logique, ça c'était pas du tout logique et du coup j'avais vraiment pas envie de comprendre, je pense. Et maintenant, aujourd'hui, je l'ai plutôt bien surmontée, je pense, cette difficulté. Bien que c'est encore un petit peu compliqué, mais c'est quelque chose qui, finalement, se surmonte avec le temps.
-Est-ce qu'il y a un côté stressant ou angoissant à être dysorthographique ?
-Surtout quand j'ai commencé le travail. Parce que finalement, avant, j'étais… Sur une copie de maths, j'avais pas peur de faire des fautes d'orthographe, même si je savais que ça serait pas pénalisé. Et je savais que le français ou les langues, etc. n'étaient pas mon fort donc je misais pas là-dessus. Et ouais, dans le travail, des fois, ça fout la honte de faire des fautes, donc ouais, ça met la pression.
-On a commencé cette interview en disant que tu étais aussi musicien. Est-ce que pour toi la musique ou l'art est une forme d'expression qui t'aide ? Est-ce que c'est une échappatoire ?
-Oui, je pense que c'est vraiment une façon propre à chacun de réfléchir. On fait tous de la musique un petit peu différemment, même ceux qui n'en font pas. Oui, c'est une échappatoire, c'est sûr. Est-ce que c'est une aide ? Je sais pas, mais en tout cas, il faut en faire, c'est sûr. La musique c'est le partage, c'est beaucoup de choses et c'est hyper valorisant. Donc, il faut en faire.
-Ton nom d'artiste c’est Tneiro, donc c'est quand même « Orient » à l'envers. Est-ce que t’as fait exprès ? T'as pas fait exprès ? C'était logique, pas logique ? D'où ça vient ?
-Franchement, c'était logique, pas logique quoi. Donc, je ne sais même pas d'où ça vient, c'est juste simplement, c'est venu comme ça quoi. C'est peut-être juste mon esprit qui fonctionne à l'envers, c'est tout.
-Merci beaucoup, Orient Robin, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Je rappelle que tu es le directeur technique de « Bonjour/Bonsoir » et que tu es également musicien. J'informe les auditeurs que c'est « Push One », une de tes musiques, qui est en fond et sur laquelle nous allons terminer cet épisode. Parce que oui, c'est déjà la fin de cet « Handi Flash » consacré à la journée nationale des dys. Si vous avez aimé cette émission, n'hésitez pas à la partager sur vos réseaux. Je vous souhaite à toutes et à tous un bon week-end et vous donne rendez-vous le 3 décembre où vous retrouverez cette fois Marie-Cécile pour la Journée internationale des personnes handicapées. Ciao et bon week-end !
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