— Brice Foltran : Je m'appelle Brice Foltran et je suis réalisateur de vidéos. Je suis né le 7 octobre 1993 à Brou-sur-Chantereine, dans le 77, en Seine-et-Marne.
Question : Peux-tu nous raconter l’histoire de ta jambe droite ?
J'ai toujours été handicapé. Je suis né avec un gros handicap à la jambe droite. J'avais une grosse malformation autour du pouce et de l'index du pied, et j'ai eu une infection qui a mal évolué et j'ai dû me faire amputer, même si j'avais déjà pris cette décision de me faire amputer avant parce que j'avais un pied qui était devenu complètement dysfonctionnel.
Mais l'infection a accéléré un petit peu le processus, et je me suis fait amputer il y a un peu plus d'un an, en juillet 2024.
Question : Comment as-tu pris la décision de te faire amputer ?
La décision de se faire amputer est vraiment très personnelle. Après, évidemment, c'est avec beaucoup de discussions, avec les parents, avec les proches, avec ma femme. Et après, quand je me suis vraiment mis dans ce processus-là de : "On va rencontrer des professionnels, on va voir les avis de différents médecins", je me suis vraiment posé plein de questions, j'ai regardé beaucoup de vidéos de personnes amputées, et je me suis préparé mentalement. Un peu comme un sportif peut se préparer mentalement au sport, je me suis préparé à cette épreuve.
Question : Être papa a-t-il aussi influencé ta décision ?
Mon fils, quand je me suis fait amputer, il avait un an, à peu près, et il était aussi dans l'apprentissage de la marche. On a un petit peu appris à marcher ensemble, on va dire. Et ça aussi, c'était un gros moteur pour apprendre à marcher, évoluer assez rapidement et rester motivé dans tout cet apprentissage avec la prothèse et l'évolution de mon handicap. C'était de me dire : "Je vais pouvoir marcher avec mon fils, ou derrière mon fils, ou courir ensemble." Ça a vraiment penché dans la balance de : "Faut se faire amputer, faut aller mieux, ça va aller mieux après, tu vas pouvoir faire ce que tu veux avec lui."
Question : Comment cette amputation a changé ta vie au quotidien ?
Je me sens moins handicapé maintenant, parce que je boite moins, je marche normalement. Les petits gestes, comme aller se balader avec son fils au parc, dans la forêt, faire des sorties sans douleur, retrouver vraiment complètement sa mobilité, avec la vie de famille, la vie de papa, la vie de couple, la vie de travail. Pendant toutes ces années où ça n'allait plus, je ne faisais plus de sport, et là, j'ai repris le tennis debout, pas en fauteuil. Je fais partie du groupe France de para-standing tennis. C'est une discipline qui s'établit en France de plus en plus.
C'est le tennis debout, pour les personnes soit amputées, soit handicapées, mais qui veulent pas pratiquer en fauteuil. C'est une autre alternative. Et là, le fait de reprendre, de taper dans la balle, se défouler... Depuis que je suis amputé, je fais plus de choses sportives, et il y a plein d'opportunités, et c'est génial.
Question : Pourquoi as-tu ressenti le besoin de partager ton histoire sur les RS ?
J'avais besoin d'aller sur les réseaux sociaux, au début, en thérapie. J'ai commencé ce compte, Unijambrice, avant l'amputation, et j'avais besoin de dire : "Ça va se passer comme ça pour moi", et j'avais besoin, peut-être, de laisser une trace, et peut-être d'aider les gens, aussi. Et tout bêtement, en faisant ça, ça m'a permis d'avoir des retours d'expérience. Plein de gens qui étaient amputés ou qui traversaient cette épreuve me disaient : "T'inquiète pas, ça va bien se passer." Je me suis dit : "Ah, mais en fait, ça parle aux gens." Le handicap parle aux gens. Ça parle même aux valides. Ça éveille les consciences, et c'est génial. Le côté positif des réseaux sociaux, c'est de partager l'expérience, de pouvoir aider les autres, et en plus, si on peut se marrer en même temps, c'est que du positif.
Question : Du coup, faire des vidéos est même devenu ton métier…
Ça fait très longtemps que je suis sur Internet. Je faisais déjà des vidéos sur Internet. J'ai commencé à faire des sketchs, etc. Même d'apprendre le côté un petit peu technique de se filmer soi-même... Et ensuite, j'ai travaillé dans un studio de musique, où j'étais ingénieur du son et je faisais de la musique tous les jours. Et il y avait plusieurs personnes qui gravitaient autour de nous qui faisaient de la vidéo. Et on a commencé à les suivre, à voir comment ça fonctionnait. De loin, au début. Ça s'est professionnalisé, on a commencé à faire toutes sortes de vidéos. Du sport, surtout. Du mariage, de l'événementiel... Du clip vidéo, aussi, pas mal. Maintenant, c'est mon cœur de métier, en plus de la musique, à côté.
Question : Aurais-tu un conseil à donner à un(e) futur(e) amputé(e) ?
90 % de la réussite de l'aventure et du succès médical, c'est quand même d'avoir un mental qui est solide et de se dire : "Bon, OK, on va avoir des épreuves qui sont compliquées, on va vivre des moments qui sont compliqués. Ça prendra le temps qu'il faudra aussi." Et il ne faut surtout pas se comparer. Ça, c'est quelque chose qui est vraiment très dur, au début. Il y a beaucoup de gens, en centre de rééducation, qui vont se comparer et dire : "Pourquoi, lui, en trois semaines, ça se passe super bien ? Moi, ça fait six mois que je suis là." Tous les cas sont différents. Tous les handicaps sont différents. On n'a pas tous le même corps ni la même réponse à la prothèse. Apprendre à marcher, tout ça... Tout ce processus est très long. C'est vraiment petit pas par petit pas. Chaque jour, c'est une petite victoire de plus, et ça va le faire.