Politique publique pour la jeunesse, quelles perspectives ?

• La France est plutôt un mauvais élève, mais qui travaille beaucoup pour rattraper son retard. On est sur un pays qui, en matière de politiques publiques de jeunesse, a de gros défauts. Par exemple, on a une grosse familialisation des politiques publiques en direction des jeunes, donc les jeunes sont vus comme des enfants et non pas des adultes. Ça ne leur permet pas, par exemple, d'avoir des filets de sécurité de soutien aux revenus pour lutter contre les situations de pauvreté ou de précarité. Mais il y a beaucoup qui est fait pour changer cet état de fait, donc beaucoup de réformes qui sont faites : le lancement de la Garantie Jeunes, le lancement du Contrat d'Engagement Jeune. Donc c'est un mauvais élève qui travaille beaucoup pour passer dans le haut de la classe. L'aspect positif, c'est qu'il y a beaucoup de dispositifs. Il y a vraiment la place pour une politique de jeunesse en France. Par exemple, par rapport aux autres pays méditerranéens, comme l'Italie, l'Espagne... Il y a très peu de politiques de jeunesse dans ces pays-là. En France, même s'il y a cette idée de familialisation, il y a quand même beaucoup de politiques publiques. On a toute la politique d'insertion des jeunes qui existe, via les missions locales qui sont destinées aux moins de 25 ans. Donc même s'il n'y a pas un accès au droit commun des jeunes de moins de 25 ans, il y a quand même une pléthore de dispositifs, donc de dépenses publiques qui sont engagées pour essayer d'améliorer la vie des jeunes, via notamment les missions locales. Pareil en matière de bourses. On a des bourses qui sont existantes, par rapport aux autres pays familialisés. Il y a trois défis principaux, à mon avis, pour la jeunesse. Le premier, c'est la reconnaissance du statut d'adulte des jeunes. C'est le premier aspect qui permettrait de se détacher de cette idée de familialisation des jeunes. À partir de 18 ans, on est un citoyen civil, on est un citoyen politique : droit de vote. On devrait être un citoyen social, par exemple. Donc la reconnaissance du statut d'adulte par l'État, par la protection sociale. Le deuxième aspect, c'est investir massivement dans l'éducation, et notamment en direction des jeunes peu qualifiés. Il y a encore trop, même si ça décline, de jeunes qui sortent du système peu ou pas qualifiés et qui se retrouvent en difficulté sur le marché du travail. Il faut maintenir l'investissement dans le capital humain dans la formation des jeunes. Et le troisième aspect, c'est s'éloigner d'une idée de politique de jeunesse pour adopter une perspective plus dynamique du cours de vie. Il faut faire une politique du cours de vie. Et ça, ça permettrait notamment de développer la possibilité des deuxièmes chances pour les jeunes. En France, notre destin, le destin des jeunes, le destin des individus, il est scellé à votre sortie de formation initiale, autour de 18, 20 ans. Et ensuite, vous avez très peu de deuxièmes chances pour changer de parcours, pour vous reformer, etc. Aujourd'hui, les carrières, les envies des individus, sont beaucoup plus fluides. Il faut pouvoir permettre des deuxièmes chances, des passerelles entre les possibilités de formation.

Pour la Caisse des Dépôts, la jeunesse c'est une préoccupation, un enjeu et une chance considérable.
Notre signature c'est : Ensemble, faire grandir la France.
Faire grandir la France, c'est d'abord préparer notre pays à accueillir les jeunes qui arrivent dans la vie sociale, qui arrivent sur le marché du travail. C'est les former.
Et puis, c'est aussi faire en sorte que ces jeunes puissent s'intégrer dans la vie économique, dans la vie sociale.
Et donc, on a tout un ensemble de dispositifs de formation, d'accompagnement, le soutien des centres de formation des apprentis, notre partenariat avec l'Afpa, d'innombrables initiatives qui permettent d'avoir un rôle, j'espère utile et positif pour la jeunesse. Et puis, notre relation avec la jeunesse, c'est qu'on est aussi un grand employeur. Il y a dans l'ensemble du groupe 370 000 personnes. Donc nous recrutons des milliers de jeunes chaque année et évidemment, nous comptons sur eux pour qu'ils soient l'avenir du groupe et que demain, qu'ils soient à ma place, à la place de l'équipe qui m'entoure, dans toutes les fonctions dont on a besoin pour que la Caisse continue à jouer son rôle extrêmement important au service de notre pays.

Dire que la jeunesse est au cœur des priorités du ministère du Travail, c'est une forme d'évidence. Quand nous avons connu l'épidémie du COVID et que nous avons décidé du confinement, la première inquiétude que nous avons eue au sein du gouvernement était de savoir si cette période de confinement allait se traduire par une explosion du nombre de jeunes sans emploi ni formation.

Et en l'état, ça a été le cas, mais moins que ce que nous pensions. Nous sommes passés de 12,5 à 15,7 %, des 15-29 ans. C'est une augmentation de 25 % de leur nombre, donc c'est considérable. Et c'est cette situation, cette situation de crise en réalité, qui a amené le gouvernement à créer et à lancer le programme “1 jeune, 1 solution”.

“1 Jeune, 1 solution” qui est avant tout la réunion, le rassemblement sur une seule application de toutes les solutions à destination de la jeunesse. La plus connue, c'est le développement de l'apprentissage. Mais il y a les questions d'alternance, il y a la question de la garantie jeunes et ce programme “1 Jeune, 1 solution” a permis de délivrer 4 millions et demi de solutions.

Ça ne veut pas dire 4 millions et demi de jeunes, mais ça veut dire que 4 millions et demi de fois, des solutions. Parfois, le même jeune a eu recours à plusieurs solutions qui ont été mobilisées et cela a des effets couplés avec d'autres mesures évidemment, puisque nous sommes très rapidement revenus à un niveau et à une part des jeunes sans emploi ni formation qui est à 12,5%.

Et donc maintenant, l'ambition c’est de descendre plus bas. Et par contre, il y a un autre effet qui lui est un effet positif et que nous n'aurions pas osé espérer au moment du lancement des programmes. C'est le fait qu'aujourd'hui, au 3ème trimestre de l'année 2022, le taux d'emploi des 15-25 ans et non pas 15-29 ans, mais 15-25 ans, atteint 35 % et c'est un record qui n'avait pas été atteint depuis 30 ans.

Quand on parle de ces politiques et de cette volonté de les accompagner, il y a aussi trois étapes, trois actions, que nous voulons absolument mener. La première, c'est la question de la formation initiale ou en tout cas qualifiante. Et cela a été aussi évoqué tout à l'heure. Eric Lombard l'a évoqué à l'instant : c'est la question de l'apprentissage et nous allons continuer puisque nous considérons que le taux d'insertion professionnelle est énorme par rapport à beaucoup d'autres formations et donc notre objectif est d'atteindre 1 million d'apprentis.

Nous étions à 320 000 en 2008, nous serons à un peu plus de 800 000 en 2022. Donc, l'objectif du million d'apprentis est atteignable à horizon 2027. Et nous voulons aussi travailler sur la réforme des lycées professionnels pour faire en sorte que ces lycées soient véritablement qualifiants, professionnalisant. Et ça implique par contre, et là, on aura besoin de tous les acteurs, et notamment des entreprises, de repenser les offres de formation de lycée professionnel pour faire en sorte de bien former au lycée, aux métiers de demain et pas aux métiers d'hier.

Je prends un seul exemple : nous avons aujourd'hui des dizaines de milliers de personnes en France et des dizaines de milliers de personnes en formation qui se forment à la mécanique sur des moteurs thermiques. Et en 2035, on ne vendra plus de moteurs thermiques en Europe. Donc il faut évidemment garder cette compétence pour la question de la maintenance du parc.

Mais désormais, il faut fermer aussi des sections en la matière pour ouvrir des sections de mécanique, plutôt tourner sur l'hydrogène ou sur l'électricité. Et donc ça, c'est le premier point qu'on va pousser et qu'on n'aurait peut être pas poussé aussi fort si on n'avait pas connu cette période de crise et de relance. La deuxième chose, et je ne peux pas m'empêcher d'en parler parce que ça a été évoqué tout à l'heure dans la présentation, c'est que nous devons aussi maintenir notre effort pour justement apporter des solutions aux jeunes sans emploi ni formation.

Et donc les crédits, on parle beaucoup de crédits malheureusement, mais les crédits pour le programme “Contrat Engagement Jeunes” sont reconduits l'année prochaine et vont nous permettre d'attendre de financer 300 000 contrats. Ça marche plutôt bien, le contrat a été lancé le 1ᵉʳ mars 2022 pour remplacer la Garantie jeunes, et à l'heure où je vous parle, ce sont à peu près 250 000 qui ont été signés, ce qui pour une 1ère année est très bien.

Nous avons les crédits pour 400 000, donc il y a encore 50 000 places pour ceux que ça intéresse, dans le mois et demi ou les deux mois qui viennent. Mais l'année prochaine, nous visons 300 000 et nous ajouterons à ces 300 000, 20 000 places que l'on veut réserver spécifiquement à des appels à projets. Et en réalité, les appels à projets des jeunes qui sont des jeunes qu'on appelle en grande rupture avec la volonté d'accompagner à peu près 180 projets très ciblés et qui viseront à accompagner des jeunes dans cette situation d'être sans emploi ni formation, mais avec malheureusement des caractéristiques ou des difficultés complémentaires.

On peut avoir des jeunes sortis de la protection de l'enfance, on peut avoir des jeunes sortis de détention, on peut avoir des jeunes en fin de parcours, de lutte contre des addictions. On peut avoir des jeunes qui sortent d'un parcours de médecin et donc la volonté, c'est d'avoir un accompagnement encore plus global, intégrant le logement, l'emploi et pas seulement la remobilisation et l'accès à de la formation qualifiante ou à un emploi.

Et puis il y a un troisième point, mais Eric Lombard l'a évoqué il y a instant, c'est que si on veut aller véritablement vers le plein emploi et embarquer avec nous, quand je dis embarqués, c'est au sens positif du terme, tous les moins de 25 ans qui ne sont pas en formation. Pour aller vers l'emploi, il faut qu'on puisse innover, qu'on puisse inventer de nouvelles choses.

Ça passe par des développements d'outils qu'on ne faisait pas ou presque pas il y a dix ans. On a un plan sur le mentorat, par exemple, parce que les premiers résultats qu'on a sur le mentorat sont bons. Donc on veut pousser. On a 20 000 mentorat en 2021 et notre objectif, c'est 200 000 mentorat en 2022. Et on se dit que ce changement d'échelle qu'on a fait de la Garantie jeunes entre 2016 et 2020.

On peut y arriver sur du mentorat. Et puis on veut pousser toutes les initiatives très particulières qui permettent d'éviter des ruptures de parcours qui permettent d'apporter des solutions adaptées. Il a été évoqué les écoles de production, je pense aux EPID. Je pense à toutes ces formes de formation, de réinsertion qui intègrent le fait que plus on va aller vers le plein emploi et plus ceux qu'on va devoir accompagner ou qu'on va accompagner tout simplement, ce n'est pas une question de devoir, seront un peu plus cabossés par la vie au fur et à mesure où on avancera.

Et c'est vrai pour les jeunes, c'est vrai pour les 18-25 ans. C'est vrai pour la population en général et ça renvoie à d'autres considérations sur l'insertion par l'activité économique et cette nécessité de personnaliser. Mais je dis cela pour montrer que dans les temps qui viennent, cette préoccupation autour de la jeunesse et de la capacité à avoir des formules qui ne soient pas univoques, qui ne soient pas uniformes, mais les plus adaptées possibles aux publics que nous accompagnons, ça reste la priorité et les travaux comme ceux que vous avez menés permettent aussi de nourrir nos propres réflexions sur les modèles et les changements, les évolutions à accompagner.