L’intergénérationnel, insertion solidaire pour les jeunes ?

Le service civique Solidarité seniors, ce n'est pas une association, c'est une mobilisation qui a été créée à l'initiative d'Unis-Cité, l'association qui a inspiré le lancement du service civique des jeunes, du groupe Malakoff Humanis, dans le cadre de la gestion de la retraite complémentaire Agirc-Arrco, et de deux ministères : le ministère délégué à l'autonomie et le ministère de la Jeunesse, évidemment, qui porte le dispositif service civique dans les années 2021, juste après le COVID, pour essayer d’utiliser de manière beaucoup plus massive et sans doute plus qualitative, ce dispositif, le service civique au service des 2 millions de personnes âgées isolées, qu'elles soient à domicile ou en établissement, en disant on a peut être quelques centaines de jeunes mobilisés auprès de ces seniors-là, alors qu'on a 2 millions de besoins.

Et puis avec le COVID, ça a été exponentiel. Donc l'ambition, c'est d'avoir au moins 10  000 jeunes pour toucher au moins 200 000 ou 300 000 personnes âgées par an, ce qui n’est déjà que 10 % du besoin. 750 associations, c'est 16 communes qui sont membres de la mobilisation, une quarantaine d'associations nationales, tous les grands réseaux : Petits frères des pauvres, le réseau Monalisa, la Croix-Rouge, Cohabilis. L'ensemble des gros acteurs sont membres de la mobilisation.

En tout, en un an et demi, il y a déjà 5600 jeunes. Ces jeunes engagés à temps plein sur 8 mois en moyenne, je le rappelle, ont été mobilisés auprès d'environ 165 000 personnes âgées. C'est un vrai tremplin par l'acquisition de compétences transversales, par l'expérience que ça leur donne sur leur cv. Et c'est vrai aussi dans le secteur.

Et donc c'est vrai que pour le service civique solidarité seniors en plus en fin de parcours vers le mois de mai / juin, parce que c'est souvent des engagements sur l'année scolaire. Il y a des forums de l'emploi et de l'engagement où tous les acteurs qui forment, qui recrutent dans ce domaine se présentent à eux dans les territoires. Et donc, c'est vrai que l'année dernière, on a deux tiers des jeunes qui ont dit avoir découvert les métiers du secteur médico social, un tiers qui disent vouloir s'y engager désormais, alors que ce n'était pas forcément leur projet initial, dont la moitié auprès des seniors.

Ce n'est pas l'objectif initial du projet, mais c'est un effet secondaire très efficace. L'objectif initial, c'est de lutter contre l'isolement des personnes âgées. Et ça, ça marche aussi puisque ces 2/3 des personnes âgées qui disent avoir retrouvé le moral, c'est quasiment 100 % des personnes âgées qui disent avoir changé de regard sur les jeunes. Et deux tiers des jeunes disent avoir appris beaucoup de choses des personnes et avoir vraiment changé de regard sur le conflit intergénérationnel.

À très long terme, ça contribue à la solidarité entre les générations et ça, je pense que c'est un peu essentiel. C'est une des raisons pour laquelle je crois beaucoup au service civique, c'est que parfois, ça permet à des jeunes qui sont plutôt en bas de la pyramide de Maslow, de découvrir l'engagement. Parce que quand tu es en bas de la pyramide de Maslow, tu as besoin de manger, l'urgence n'est pas forcément de faire du bénévolat, le service civique étant quand même indemnisé, encadré, c'est gagnant - gagnant. Du coup, ils découvrent le plaisir de se rendre utiles et d'être utiles à la société et utiles à des gens. Et derrière, ça génère aussi des envies d'engagement, y compris d'engagement intergénérationnel. Et ça, je trouve que c'est intéressant.

Bonjour, je suis Sibylle Le Maire.

Je suis la directrice exécutive du Groupe Bayard et la fondatrice et l'animatrice du Club Landoy.

C'est aussi un formidable collectif d'acteurs publics, privés, associations, économistes, sociologues, ethnologues qui viennent réfléchir collectivement à cette question du vieillissement et les enjeux et le rôle de l'entreprise par rapport à cet aspect.

Aujourd'hui, en entreprise, la question qu'on doit se poser, c'est celle du pilotage des âges, à la fois du côté des jeunes et à la fois du côté des seniors.

Si on peut se réjouir que le taux de pauvreté des seniors ait baissé à 6 points en France, il s'avère que la médiane reste quand même à 16 points et s'est renversée du côté de la jeunesse.

Et donc, nous portons aussi nos actions d'employabilité, de sensibilisation et de formation auprès d’eux.

Nous avons tout un partage d'actions à la fois dans les territoires et au sein des entreprises et sur lequel nous pouvons essayer de faire monter à l'échelle ce qui est toujours la problématique de nos enjeux.

Comment est ce qu'on arrive à faire émerger sur une taille plus grande, plus forte, ces sujets de solidarité intergénérationnelle.

Cohabilis, c’est une petite quarantaine d'associations réparties sur une cinquantaine de départements, qui portent d'abord la cohabitation intergénérationnelle, solidaire et autrement énormément d'autres dispositifs d'habitat partagé et solidaire. Je peux être très rapidement expliquer ce qu'est la cohabitation intergénérationnelle solidaire : le principe est assez simple on a un senior de 60 ans et plus qui est chez lui, qui est structurellement en sous-occupation.

En France, on a des enfants, on vieillit, les enfants s'en vont. On a une chambre de libre. Il y a des millions de chambres de libre en France chez les plus de 60 ans. Et de l'autre côté, des jeunes qui cherchent un logement. Et ça, c'est pareil, structurellement on en a un petit paquet, et donc on a des associations qui rencontrent les jeunes, qui rencontrent les seniors et qui vont apparier ce qu'on appelle des binômes qui vont être colocataires.

Les gens appellent ça comme ça, mais c'est des cohabitations avec quelques principes simples et notamment le fait que ce qui est versé par les jeunes aux seniors, c'est soit une contrepartie financière dite modeste dans la loi, donc significativement en dessous des prix du marché locatif local. Qui est lui même fou, tout le monde le sait. Le prix de la chambre moyenne chez l'habitant à Paris, c'est 600 €.

C'est fou quand on sait que le budget moyen d'un étudiant, c'est 590 € par mois (IPSOS 2021). Et de l'autre côté, on a on a le senior qui va, soit recevoir cette contrepartie financière qu'il sait modeste parce qu'il est là aussi pour aider le jeune, soit avoir des menus services, souvent des temps de présence en soirée. Et c'est ça qui du coup, va induire quelquefois une gratuité, quand le jeune est présent 4, 5 soirs par semaine, il paye une petite petite participation de 50 € aux charges. Sur le niveau de la question de la ressource, sur la solidarité intergénérationnelle. Dans le cas de la cohabitation intergénérationnelle solidaire, c'est assez simple on donne un logement aux jeunes ! C'est un logement confortable. Et ça, les jeunes, entre le moment où ils veulent y aller et quand ils en sortent, là, c'est exempté.

Ils ne vont pas en se disant “je vais être dans un endroit confortable”, mais quand ils sortent et qu'ils ont vu tous leurs potes là ou ils étaient logés, ils sont souvent bien contents d'avoir le gros canapé en skaï, des maisons souvent un peu plus grosses que les autres, un peu plus confortables, etc. Puisque quand on accueille un jeune, c'est qu’on est pas dans un T2 en général. L'apport au niveau du niveau de vie est vraiment très important et on fait économiser en moyenne 1 800 € à un jeune sur sept mois et demi en moyenne. Sur la question du logement, on fait économiser, et ça c'est une externalité positive, 600 € en moyenne à la CAF sur l'allocation logement. Ça c'est pour le côté sonnants et trébuchants. Évidemment que le jeune qui rentre en cohabitation intergénérationelle, il sait très bien qu'il va dans quelque chose qui va lui apporter énormément.

Les jeunes sont très satisfaits à 47 % de la relation avec les retraités. On en a 85 % de satisfaits et très satisfaits. Sur la question de l'insertion du jeune, 61 % des jeunes déclarent qu'ils n'auraient pas pu avoir recours à des logements classiques. On a 90 % des personnes âgées bénéficiaires qui vivent seules et 63 % de veufs. Donc on sait très bien que la présence est rassurante avec 52 % qui ont plus de 85 ans, et on vient faire en sorte que le jeune et le senior s'entraident et c'est eux qui apportent de la valeur.

Il n'y a pas de lien commercial entre le jeune et le senior et c'est eux qui, via un consentement de chacune des personnes à la solidarité, vont solutionner une problématique et s’apporter de la valeur sans être dans un modèle commercial. Et ça fait du bien aussi en terme anthropologique, de se dire qu’on n'a pas que le marché pour solutionner les problématiques qui viennent devant nous.

On est parti de deux constats. Le premier, c'est qu'aujourd'hui, il y a la transition digitale qui s'accélère et qui va toujours plus vite et qui laisse malheureusement des millions de personnes sur le bord de la route, notamment nos aînés. Et le second constat, c'est quand on regarde ce problème, il y a 1,2 million d'étudiants je crois, qui sont en situation de précarité et qui ont du mal à terminer leurs fins de mois.

C'est pour ça qu'on a créé CLIC&MOI. C'est pour répondre à ces deux problèmes, en prenant ces jeunes qui veulent avoir un emploi solidaire en parallèle de leurs cours et en les mettant en relation avec ces seniors qui ont besoin d'un accompagnement sur leur ordinateur, tablette ou smartphone. Mais CLIC&MOI, ça va un peu plus loin que le simple cours informatique.

C'est aussi un véritable moment de partage et d'échange entre un jeune et un moins jeune. On a formé 500 seniors au numérique et on a permis à nos jeunes - justement, on parle d'insertion - à des jeunes à retrouver la confiance dans leurs compétences, dans ce qu'ils peuvent apporter aux autres et notamment dans cette relation, à ce qu'ils peuvent apporter à leurs aînés.

Et c'est vraiment ça qui est important. Comment ça fonctionne ? En fait, on vient prendre le besoin du senior. Donc c'est la personne qui a besoin d'aide sur les thématiques qu'elle va aborder, l'appareil qu'elle a, les disponibilités qu'elle a. Et une fois qu'on a ses besoins, on vient recruter un pool de jeunes. Aujourd'hui, on en a plus de 250 qui ont candidaté et on vient faire une sélection.

On vient s'assurer qu'ils ont surtout les soft skills, qu'ils ont la patience, la pédagogie, qu'ils sont capables d'écouter un senior, de lui expliquer. C'est vraiment ça qu'on va venir challenger et aussi s'assurer que ça va être un jeune dynamique qui va venir apporter le sourire. Du côté des jeunes, on s'est rendu compte, c'était bien. Je parlais la semaine dernière avec l'un d'entre eux qui me disait qu’ils ont beaucoup à apprendre aussi de leurs aînés.

On en a parlé aussi durant toute cette masterclass, la fracture numérique. Finalement, on voit qu’aujourd'hui le numérique est partout. Que ce soit pour commander des billets de train, pour faire ses impôts en ligne et encore même aujourd'hui, prendre un rendez vous chez le médecin, c'est des choses qui sont essentielles, notamment quand on est un senior.

Et aujourd'hui, le numérique, qui se veut être un outil, il devient vraiment un obstacle pour des millions de personnes. Quels sont nos enjeux pour 2023 ? C'est vraiment de déployer Service CLIC&MOI sur tout le territoire français pour permettre à un maximum de seniors d'en bénéficier et un maximum de jeunes aussi d'en bénéficier, de pouvoir avoir cette expérience.

Et aujourd'hui, on cherche justement à créer, à créer des synergies avec des acteurs publics qui partagent eux aussi des combats. Ce combat contre la fracture numérique et la précarité chez les jeunes.