La SEEPH mise en lumière avec l’exemple de Café Joyeux

Le Jeudi 17 novembre 2022

Handicap
Institutionnel

La Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) a lieu tous les ans en novembre. Découvrez ce rendez-vous incontournable à travers le 2e épisode d’Handi FlasH : un échange avec Laure Kepes, directrice de la collecte de fonds d’Émeraude Solidaire, actionnaire de Café Joyeux.

Depuis 1997, la 3e semaine de novembre est dédiée à sensibiliser, informer et agir sur l’employabilité des personnes en situation de handicap.

Pour rappel, en 2020, le taux de chômage des personnes en situation de handicap est de 14% contre 8% pour l'ensemble de la population.
Seules 0,5% des personnes atteintes de handicap mental travaillent en milieu ordinaire.

Saviez-vous que le 14 février n’est pas seulement la fête des amoureux, mais aussi la journée internationale de sensibilisation aux cardiopathies congénitales ? Que le 21 mars ne met pas seulement à l’honneur le printemps, mais également la trisomie 21 ? Près d’une trentaine de dates du calendrier sont dédiées au monde mystérieux et pas assez connu du handicap. Vous écoutez le podcast Handi FlasH, réalisé par la Caisse des Dépôts, et ici on met en lumière les différentes journées du calendrier pour vous parler de handicap. Créée il y a 25 ans par LADAPT, la Semaine pour l'emploi des personnes handicapées est organisée chaque année en novembre. Au fil des années, l’événement connaît un succès grandissant et évolue en 2015 en « Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées ». C’est désormais un rendez-vous incontournable pour les demandeurs d’emploi en situation de handicap, les recruteurs et les chefs d’entreprise. Cette semaine est l’occasion de s’interroger sur les différents dispositifs mis en place, pour faciliter l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Pour en parler très concrètement, nous sommes avec Laure Kepes, directrice de la collecte de fonds d’Emeraude solidaire, actionnaire de Café Joyeux. Laure, bonjour.

Bonjour Marie-Cécile.

L’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap c’est précisément l’enjeu de Cafés Joyeux, alors avant toute chose, Laure, pourriez-vous nous redire ce que sont ces cafés ?

Avec plaisir, Cafés Joyeux c’est la première famille de cafés-restaurants qui emploient et qui forment des personnes en situation de handicap mental et cognitif, au cœur de nos villes et en milieu ordinaire, c’est très important. Je voudrais préciser que les Cafés Joyeux sont des entreprises ordinaires, mais qui sont détenues par un actionnaire unique, qui est un organisme sans but lucratif, qui est un fonds de dotation qui s’appelle « Emeraude solidaire », pour lequel, je travaille.

Merci pour cette présentation, à savoir donc qu’aujourd’hui dix Cafés Joyeux ont vus le jour, dont un à Lisbonne… Quelle est l’ambition de Cafés Joyeux ?

C’est évidemment d’employer et de former toutes ces personnes, de les employer en CDI, les former en apprentissage en deux ans pour obtenir un diplôme qui est reconnu par l’État, d’agent polyvalent de la restauration. Notre mission c’est aussi de changer le regard sur le handicap, c’est pour ça qu’on est situé en cœur de ville, pour pouvoir créer la rencontre, pour que les convives puissent échanger directement avec les équipiers, ça c’est très important, et rien de mieux qu’un café, en fait pour créer la rencontre et aussi permettre l’inclusion de toutes ces personnes en milieu ordinaire. Pour certains, c’est la première fois qu’ils travaillent dans un milieu ouvert, où ils peuvent rencontrer des personnes comme vous et moi au coin de la rue, donc c’est très important pour nous.

En effet, rien de mieux qu’un café pour créer la rencontre et merci Laure de m’accueillir ici dans l’un de vos cafés parisiens. J’ai pu voir vos équipiers travailler, ça fourmille… 70 à 80% de vos collaborateurs sont en situation de handicap, ce sont des employés un peu particuliers, comment est-ce qu’on adapte les pratiques managériales et l’organisation du temps de travail ?

Très bonne question, Yann et Lydwine Bucaille, qui sont les co-fondateurs tous les deux de Cafés Joyeux, ont vraiment ouvert le premier café à Rennes avec une intuition très forte de cette inclusion par le travail en milieu ordinaire, sans forcément avoir un plan et un programme, notamment sur la partie managériale. Maintenant on a 9 cafés en France, notre ambition c’est d’en avoir 25 à 30 d’ici 2025, donc évidemment le projet s’est énormément structuré et les managers de nos cafés font un travail absolument extraordinaire, parce qu’ils sont à la fois managers, encadrants des équipiers, mais aussi les formateurs de ces équipiers. Donc là où on avait beaucoup d’intuition, de bon sens de bienveillance, tout en ayant une exigence professionnelle, vis-à-vis des équipiers, aujourd’hui, on renforce énormément la formation aussi des managers, pour pouvoir les accompagner dans l’accueil du handicap et les former davantage à des situations qui peuvent être parfois particulières.

Sinon le management, c’est un management qui est vraiment l’alliance à la fois de bienveillance, d’écoute, de patience et énormément d’exigence. Les équipiers sont là pour faire leur travail, ils ne sont pas là pour être occupés ou passer le temps. On leur dit vraiment « On a besoin de toi, tu as un job à faire ». Et donc il y a cette exigence professionnelle aussi, on leur laisse le droit à l’erreur, on leur laisse le temps d’apprendre et ça se passe vraiment très bien. C’est vraiment cette alliance de la bienveillance, de l’écoute, mais une grande exigence professionnelle, parce que d’abord, ils vont avoir un diplôme au bout de deux ans et qu’ils doivent faire le job. Nous on les embauche parce qu’on est persuadés qu’ils peuvent, comme tout un chacun, participer à la vie économique et sociale du pays et que par leur travail, ils peuvent créer de la valeur. Et ça c’est vraiment fondamental dans l’esprit Joyeux et du management qui se déploie dans nos cafés.

Est-ce que cette bienveillance, dont vous parlez, est toujours présente au sein des cafés ? En France, le handicap est reconnu comme étant un facteur de discrimination, est-ce que vous l’observez au quotidien ?

J’imagine que vous pensez aux convives qui passeraient la porte de nos cafés ?

Exactement.

Très peu, sincèrement. Et les témoignages que l’on peut avoir de la part des managers ou des équipiers, c’est que quand les gens ne connaissent pas le concept et passent la porte, ils peuvent être surpris dans un premier temps. Donc ils font un petit pas de côté et puis ils s’adaptent. Ils sont même souvent très heureux. On a des témoignages, assez extraordinaires de convives qui découvrent et qui trouvent ça extraordinaire. Et on a pu avoir le cas, effectivement, de convives qui n’osent pas rentrer, ont peur. On a un très beau témoignage, notamment à Rennes, d’un convive qui a osé, je trouve ça assez courageux de sa part, venir voir Yann Bucaille, d’ailleurs, le fondateur qui était dans le café pour lui expliquer que les premiers temps, il avait vraiment peur de rentrer dans le café, il n’osait pas, parce que ça lui faisait peur d’être face à des personnes un peu différentes, mais que ça l’avait beaucoup travaillé et donc il avait beaucoup réfléchi, il était venu justement témoigner de ça. Et aujourd’hui c’est un des convives les plus fidèles du café, il connaît tout le monde, on le connaît, donc on voit vraiment que là on est au cœur de notre mission sur le changement de regard du handicap, et on voit que ça marche, donc on est évidemment très heureux. Des histoires comme ça, on en a plusieurs. Elles ne sont pas toutes aussi marquantes, mais il y a vraiment quelque chose qui se passe dans nos cafés quand on passe la porte.

Le changement de regard sur le handicap n’a pas encore été adopté par tous, particulièrement dans le monde du travail. Qu’est-ce qui pour vous bloquent les entreprises à employer des personnes en situation de handicap ? Et qu’est-ce que vous aimeriez leur dire ?

En général, on ne donne vraiment pas de leçon, et moi en particulier, parce que je ne suis pas experte du handicap. Mais pour échanger avec beaucoup d’entreprises, il y a quand même beaucoup, soit d’ignorance, de méconnaissance du sujet et souvent les entreprises ne savent pas comment faire. C’est beaucoup plus complexe qu’il ne pourrait y paraître. Ce n’est pas simplement un manque de volonté, il peut y en avoir évidemment. Mais surtout sur le handicap mental et cognitif, les entreprises, les chefs d’entreprise, les DRH, je pense, ne savent pas trop comment s’y prendre, à la fois pour trouver tout simplement des CV, moi j’ai beaucoup de témoignages qui me disent « Mais comment on fait pour recruter les personnes ? Mais ensuite, comment on fait pour les accompagner ? ». Parce que ça c’est vrai que ça demande un accompagnement et un accompagnement dans le temps. Le handicap physique, je pense qu’elles sont plus à même de pouvoir l’accueillir, parce qu’il faut une adaptation de poste, ça paraît peut-être plus simple entre guillemets. Le handicap mental est souvent moins connu, plus invisible aussi parfois, et donc moi j’aurais envie de leur dire qu’il faut oser, ça c’est beaucoup de certains de nos managers qui en témoignent. C’est-à-dire que Yann et Lydwine ont été très audacieux dans leur démarche et je pense que nous on montre que ça marche. Donc parfois il faut oser, il faut aller demander un petit peu de conseil, mais qu’il faut tenter l’expérience. C’est très enrichissant pour les uns et pour les autres, pas que pour les équipiers, mais pour tous ceux qui travaillent avec eux aussi. Donc on voit que ça apporte une énorme richesse en interne.

Justement, j’allais vous poser la question, avoir des salariés porteurs de handicap, qu’est-ce que cela ajoute ?

Ah bah beaucoup de joie pour nous, puisque c’est vraiment eux, ils sont sans filtre, ils sont très spontanés, souvent très joyeux. Donc ça apporte beaucoup de joie, et puis je pense que ça apprend énormément la patience, l’écoute, à travailler différemment. On est dans une performance vraiment très différente. Nous on n’a pas cette rentabilité à tout prix, nous on est sur l’impact. Donc oui, nos cafés doivent être rentables, parce que c’est quand même la promesse que les cafés puissent s’auto-financer. Mais on est aussi sur un impact social très fort : le gain en autonomie, en confiance en soi, en apprentissage des compétences est énorme, du côté des équipiers, mais aussi du côté des managers, des cuisiniers. Nous on est un peu plus loin du terrain, mais on a tous passés plusieurs jours en immersion dans les Cafés Joyeux et on apprend énormément aux côtés des équipiers aussi. Ça nous oblige à faire aussi un petit pas de côté, à penser un petit peu différemment, à agir différemment, mais on est là pour travailler, donc c’est une autre façon de faire, qui est très enrichissante, humainement et professionnellement.

Enfin, j’aurais une dernière question à vous poser pour en revenir au contexte de ce podcast. Est-ce que vous faites quelque chose de particulier dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées ?

C’est une semaine évidemment assez forte. Nous on va inaugurer notre deuxième café à Bordeaux le 16 novembre. Voilà, c’est l’occasion pour nous, forcément, de mettre un peu plus l’accent sur l’inclusion et l’insertion professionnelle de toutes ces personnes, parce qu’on est persuadés que la différence c’est notre force, c’est un peu notre baseline, on en est évidemment convaincu. Et c’est une semaine évidemment, propice à diffuser le message.

Un grand merci Laure pour cet échange.

Merci Marie-Cécile.

Pour rappel, vous êtes la directrice de collecte de fonds d’Emeraude solidaire, actionnaire de Café Joyeux. Par le modèle florissant que vous proposez, vous prouvez que l’inclusion des personnes en situation de handicap par le travail est possible, y compris dans un milieu aussi ouvert que celui de la restauration, c’est une belle réussite ! La Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées se termine dimanche 20 novembre, journée nationale de la Trisomie 21, ce sera, comme on peut l’imaginer, un grand moment pour les Cafés Joyeux. N’hésitons pas à nous renseigner sur les nombreuses actions organisées durant cette semaine et pour plus d’informations sur celles mises en place par la Caisse des Dépôts autour du handicap : rendez-vous sur politiques-sociales.caissedesdepots.fr

« Handi FlasH » est un podcast réalisé par la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts pour mettre en lumière les différentes journées dédiées aux sujets relatifs au handicap, grâce à des interviews d’experts sur ces sujets.

Que sont les Cafés Joyeux ?

Ce sont les premiers cafés-restaurants solidaires qui contribuent à l'inclusion professionnelle de personnes en situation de handicap, majoritairement atteintes de trisomie 21 ou de troubles cognitifs comme l’autisme.

Leur ambition est de rendre le handicap visible et de favoriser la rencontre, en proposant du travail, en milieu ordinaire, à des personnes éloignées de l’emploi. Après une première évaluation, leurs « équipiers joyeux » sont recrutés et formés par une équipe de spécialistes RH, management, cuisine et éducateurs spécialisés. À l’issue de leur formation, les équipiers intègrent les Cafés Joyeux en CDI. En fonction de leurs capacités, ils occupent différents métiers de la restauration : accueil, caisse, cuisine, service en salle. 118 équipiers travaillent aujourd’hui dans les 10 Cafés Joyeux qui ont vus le jour depuis 2017.

Plus d’informations sur Café Joyeux

(Ré)écoutez le premier épisode d’Handi FlasH du 28 septembre sur la Journée internationale de l’accès universel à l’information

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