Les jeunes aujourd’hui : quelle insertion professionnelle ?

• Il est important de rappeler que tous les jeunes n'entretiennent pas le même rapport au travail, qu'ils soient homme ou femme, qu'ils soient cadres supérieurs, ouvriers, qu'ils soient diplômés ou non, qu'ils vivent en milieu rural ou à Paris. Les jeunes sont les premières victimes des transformations du marché du travail. Et selon l'Insee, en 2020, le taux de chômage des 15-29 ans s'élevait à 16 %, contre 8 % pour l'ensemble de la population active.

• Pour les nouveaux diplômés, ce taux monte jusqu'à 33 %. Et de plus, les jeunes salariés sont plus souvent en contrat temporaire que les salariés de tout âge. Et en plus d'être davantage touchés par le chômage, les jeunes accèdent de plus en plus difficilement à la stabilité de l'emploi. Les jeunes non diplômés plus particulièrement, vont payer très cher leur absence de diplôme et d'autant plus en période de crise, comme cela a été déjà démontré avec la crise de 2008.

• Les jeunes racontent par exemple avoir envoyé des dizaines de candidatures spontanées, toujours sans aucune réponse, même une réponse négative. Et quand les jeunes réussissent, après plusieurs tentatives, à être reçus en entretien d'embauche, on leur reproche leur manque d'expérience et leur manque de diplômes, notamment pour les moins qualifiés. Ces constats contrastent avec l'image très prégnante d'une jeunesse qui n'aurait jamais rien tenté pour intégrer le marché de l'emploi.

• De plus, ces observations montrent un attachement fort au travail de la part des jeunes, notamment ceux issus des classes populaires. Ces éléments donnent alors à voir des jeunes issus de milieux modestes qui tendent à être enfermés dans des conditions d'emploi qu’il est difficile de supporter, parce qu'elles offrent peu de perspectives d'évolution, qu'elles n'assurent pas toujours l'accès à un logement autonome, et quelles usent les corps.

• Si leur situation sociale est différente, les jeunes diplômés, eux, ont aussi leur lot de déceptions du fait de la longueur de la période de sas entre la sortie du système scolaire avec le diplôme en poche et le premier emploi stable, le premier emploi à la hauteur de leurs attentes et de leurs diplômes. Cette période de sas qui sera longue, elle est faite d'emplois précaires, de stages, de périodes de chômage, d'expérience bénévole.

• Certains jeunes sortent d'écoles privées avec des diplômes pour lesquels ils se sont endettés par exemple, mais sans forcément avec la garantie d'accéder à un emploi de manière rapide. La massification scolaire a eu pour effet, au delà d'amener 80 % d'une génération au bac, d'entretenir pour certains jeunes l'illusion promotionnelle, et notamment pour les jeunes scolarisés en lycée professionnel qui pour une partie, vont exercer des emplois précaires.

• Les enquêtes de terrain que j'ai menées en missions locales à l'Université ou au sein de foyer de jeunes travailleurs ont fait tomber l'idée d'une jeunesse qui n'aurait pas tenté de travailler, une jeunesse qui n'aurait pas essayé de réunir les conditions nécessaires pour travailler. Des résultats finalement très loin d'une jeunesse qu'on qualifie de fainéante ou avec un poil dans la main.

• Au contraire, ces enquêtes de terrain ont aussi montré l'attachement à la valeur du travail chez les jeunes. Des jeunes en quête d'une situation professionnelle stabilisée pour accéder notamment à un logement autonome. Au final, qu'ils soient précaires ou diplômés, une grande partie des jeunes a intégré la nécessité du diplôme et de se construire une expérience poussée passionnelle, au moyen de stages, de petits boulots, d'actions bénévoles pour adopter les bonnes conduites et pour être conformes, disponibles, flexibles, employables.

• Leur socialisation de jeunes adultes va s'opérer alors dans un contexte qui leur fait endosser la responsabilité de leurs difficultés et de leurs réussites aussi ou de leurs échecs à s'insérer sur le marché de l'emploi. Je dirais que le rapport au travail doit se penser au pluriel et que le rapport au travail des jeunes doit être repensé à l'aune des inégalités sociales, et du contexte socio économique qui pèsent lourd sur ces parcours juvéniles.

Bonjour, nous sommes en plein dans la journée des politiques sociales Popsi, au musée de l'Immigration, et les débats sont en cours sur tous les sujets possibles. Nous sortons d'une master class sur l'intergénérationnel, qui nous a permis d'approfondir tout ce qui touche au logement, à l'accueil entre les jeunes et les moins jeunes, entre le numérique et ceux qui ont du mal à s'en emparer.

Un point peut-être sur lequel je voudrais revenir et qui a été évoqué dans cette journée en tout démarrage par Julie Couronné, qui nous a présenté une étude qu'elle a écrite de l'Injep.

Les jeunes, c'est une population qu'on a tort de prendre d'un bloc.

La jeunesse, elle est multiple. Il y a une jeunesse qui a besoin d'être plus accompagnée, une jeunesse qui a une très forte envie d'engagement et qui ne dissocie pas l'engagement et le travail.

Et nous avons pu voir, avec un certain nombre d'interventions, celles de Jean Bassères, de Thibault Guilluy, qu'il y avait aussi des dispositifs qui commençaient vraiment à les accompagner de manière efficace. 

Alors que la crise sanitaire a révélé leur rôle parmi les invisibles, ils étaient là pour livrer les repas, pour tenir les caisses, pour faire tourner les dark stores.

Tout ce peuple, finalement, d'emplois invisibles, ce sont aussi des jeunes. Et donc notre mission dans une société qui vieillit et qui doit faire de l'intergénérationnel quelque chose de vivant, avec un échange entre les générations, c'est de leur assurer toute leur place et une entrée dans le travail et un maintien dans le travail qui corresponde à leurs vœux. 

Nous espérons très vivement que cette journée va y contribuer en permettant l'échange d'idées, l'échange d'expériences, l'échange de témoignages et d'avoir de belles innovations puisque à la Caisse des dépôts avec "Mon compte formation", avec "Mon parcours handicap", avec ce que nous faisons aussi avec Make.org au service des jeunes, nous souhaitons très, très vivement contribuer à ce que les jeunes, dans la société d'aujourd'hui, prennent toute leur place et trouvent, dans leur lien au travail notamment, une dynamique vivante, satisfaisante et sereine.

On poursuit nos échanges ici sur cette journée POPSI !.

Ravi d'échanger avec vous, Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises.

Un mot sur vos actions en matière d'insertion pour les jeunes ?

D'abord, sur les enjeux, ce qui est important et ce qu'on a déjà travaillé avec "1 jeune, 1 solution" sur le dernier quinquennat, c'est d'abord, les jeunes ont besoin qu'on les accompagne mieux dans l'orientation.

Trouver leur voie, leur métier, c'est un enjeu important.

La deuxième chose, c'est que, malgré les résultats obtenus collectivement grâce à la mobilisation des pouvoirs publics, des acteurs associatifs, des entreprises, le chômage a quand même baissé en France, grâce à cette mobilisation collective, de près de 25 % en 2017 à 17 % environ aujourd'hui.

Ça reste quand même un chômage à un niveau élevé.

Le taux d'emploi des jeunes, même s'il a progressé reste encore à un niveau trop faible.

Donc, l'accompagnement vers l'emploi et la mobilisation de toutes les politiques nécessaires pour cela.

Et puis enfin, le troisième enjeu clé, c'est le décrochage, et peut-être aussi le raccrochage.

On a beaucoup travaillé sur des innovations ces dernières années.
Maintenant, il faut faire en sorte d'éviter de perdre les jeunes en route.

Puisqu'au bout de 3 mois de décrochage, les chances de réinsertion sont beaucoup plus compliquées.

Donc la liaison entre le monde de l'éducation et du travail est absolument clé pour réussir ce défi.

Dernière question, puisque vous avez une plénière dans 3 min. Quelle est la suite ? Quelles sont vos actions à venir pour l'année 2023 ?

La suite, c'est d'aller un cran plus loin.

Peut-être en partant quand même aussi de l'actif qu'on a bâti avec "1 jeune, 1 solution", c'est-à-dire, sortir des silos, l'action collective, articuler l'accompagnement, la formation et la mobilisation des entreprises.

Très important, on pense souvent à accompagner les jeunes aux portes de l'entreprise, mais faut-il encore que les entreprises ouvrent leurs portes à la jeunesse.

Du coup, les outiller, les former, les inciter à cela.

C'est toute la notion de France Travail qui, évidemment, dépasse le champ de la jeunesse mais qui vise à faire en sorte que chaque personne sans emploi bénéficie du meilleur accompagnement pour trouver plus vite, se sentir mieux accompagnée, plus fortement.
Et ça suppose que l'ensemble des acteurs fasse un bouger pour ne pas infliger la complexité du système à la personne qu'on accompagne, mais plutôt de mettre le meilleur au service des parcours des uns et des autres.

On le voit, l'engagement des acteurs, des jeunes, il y a des raisons d'y croire.

Exactement.

Mais je pense que, la principale raison d'y croire avec France Travail, c'est cette organisation collective au service d'un but, d'une finalité qui nous est commune, qui permette à chacun de trouver son autonomie, sa dignité par le travail.

Tous les talents, on en a besoin.

Donc on va les développer ensemble.

Merci d'être venu témoigner.

Merci à vous toutes et tous, Acteurs publics TV, qui êtes ici au cœur de POPSI!, la journée des politiques sociales innovantes.

Un événement porté par la direction des politiques sociales de la Caisse des Dépôts.

À très vite.